En 2023, la France se voit une fois de plus interpellée sur la scène internationale quant à sa politique en faveur des personnes en situation de handicap. Après le rapport de l’ONU en 2021, c’est au tour du Conseil de l’Europe de dénoncer le manque d’accompagnement adéquat et les infrastructures inaccessibles. Cette critique sévère coïncide avec la tenue de la 6e Conférence nationale du handicap (CNH), un rendez-vous triennal crucial pour évaluer et orienter les politiques publiques. 

C’est dans ce contexte que l’Association Traits d’Union engage les négociations avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) 2024-2028. Son objectif vise résolument à transformer et adapter son offre aux besoins croissants et de plus en plus diversifiés des personnes accompagnées. 

Une dimension Internationale 

En France, l’évolution de l’offre médico-sociale a pris une dimension internationale : 

  • En 2021, un rapport de l’ONU a souligné notre retard en matière de politique pour les personnes handicapées, malgré des moyens importants. 
  • Le 17 avril 2023, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a dénoncé le non-respect des droits des personnes handicapées en France : manque d’accompagnement, élèves sans solution de scolarisation, transports inaccessibles, refus de soin. 
La Conférence Nationale du Handicap CNH de 2023 

Hasard du calendrier, le 26 avril 2023, se tenait la 6e Conférence nationale du handicap (CNH). Les dix engagements y ont été pris.

  • L’école pour tous. 
  • Repérage et accompagnement précoce des enfants. 
  • Université accessible. 
  • Accès à l’emploi, y compris public, et accompagnement dans l’insertion. 
  • Droits égaux pour les travailleurs en ESAT. 
  • Accès amélioré à la santé et aux aides techniques. 
  • Respect des obligations d’accessibilité des établissements publics et des transports.
  • Exemplarité des services publics pour l’accessibilité physique et numérique.
  • Effectivité des droits et des solutions renforcées.
  • Accès égal au sport, à la culture et aux loisirs.

 

La CNH, un rendez-vous indispensable 

Mise en place par la loi handicap du 11 février 2005 et organisée tous les 3 ans, sous l’autorité du Président de la République, la CNH présente le bilan des politiques publiques engagées pour les personnes en situation de handicap et fixe les orientations et les moyens de cette politique pour les années à venir. 

Stratégie régionale des «50 000 nouvelles solutions» 

Plus de six mois après l’annonce, la circulaire publiée au Bulletin Officiel détaille les priorités, budgets par région et par public pour le déploiement des «50 000 nouvelles solutions» entre 2024 et 2030. Cette stratégie cible spécifiquement : les jeunes accompagnés par l’ASE, les adultes maintenus grâce à l’amendement Creton, les personnes handicapées vieillissantes. Elle souligne également l’importance d’une attention particulière des ARS pour : les personnes polyhandicapées, les personnes avec troubles du neuro-développement, les personnes avec troubles psychiques. 

Une transformation globale de l’offre des ESMS et des associations 

La circulaire ne se limite pas à l’ouverture de nouvelles places, mais vise une transformation globale de l’offre. Elle encourage la création de solutions modulaires intégrées dans le milieu ordinaire, précisant que les dispositifs spécialisés ne doivent être mobilisés que pour des demandes spécifiques ou complexes des personnes accompagnées. 

Les associations doivent évoluer vers des plateformes de services coordonnées. Pour soutenir ces démarches, la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) s’engage à rénover le cadre juridique des ESMS pour transformer les établissements en plateformes de services d’ici 2030. 

En attendant, les ARS peuvent procéder à des extensions mineures, utiliser le droit de dérogation et élargir les autorisations. 

Et en ce qui concerne la scolarité…

La scolarité des enfants en situation de handicap est également au coeur des réformes. 

Certaines actions sont déjà en cours, comme l’attribution d’un « identifiant national élève » avant la rentrée 2024, et la transformation des PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés) en PAS (Pôle d’Appui à la Scolarité) dès 2026. Ces pôles accueilleront les élèves et leurs familles, coordonneront les réponses de premier niveau, géreront l’intervention des personnels médico-sociaux et aideront les familles dans leurs démarches de reconnaissance du handicap. L’Éducation Nationale fournira la première réponse aux élèves à « besoins particuliers », déterminera les accompagnements pédagogiques adaptés et mobilisera, si besoin, une équipe mobile d’appui médico-social (EMAS). Un rapprochement entre le médico-social et l’école est engagé, avec 3000 équipes médico-sociales pour intervenir directement auprès des élèves à la demande des PAS.

Lors de la CNH, Stéphane Haussoulier (président du Conseil Départemental de la Somme) et Lucie Carrasco (styliste française atteinte d’une maladie neuromusculaire) ont été missionnés par le Président de la République sur trois thématiques :

  1. Rapprochement entre l’école et le médico-social avec 100 sites pilotes.
  2. Coordination des interventions pour les enfants en situation de handicap relevant de l’ASE.
  3. Le transport scolaire des enfants en situation de handicap.

Les conclusions de cette mission sont attendues en février 2024.

L’Association Traits d’Union se positionne

Dans ce contexte, le PMSE négocie avec l’ARS son Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) 2024-2028. Le précédent CPOM (2016-2020) visait une inclusion scolaire, professionnelle et sociale pour une population majoritairement déficiente intellectuelle.

Évolution des personnes accueillies et adaptation des équipes

Depuis trois ans, les profils des enfants et adolescents accompagnés sont plus divers et complexes (TSA, TDAH, etc.). Les listes d’attente montrent que cette tendance se confirme sur la durée, tant à l’IME de Trélon, de Fourmies qu’au SESSAD.

Et pourtant, le nombre de professionnels n’a pas évolué dans le plateau technique. Pour s’adapter, des formations ont été proposées aux équipes pluriprofessionnelles et une réorganisation interne a été mise en place pour assurer un accompagnement adapté, ainsi qu’un relais des équipes en poste.

Un constat : les moyens doivent être renforcés

Cependant ces adaptations ne suffisent plus, nous travaillons donc avec la chargée de territoire de l’ARS sur plusieurs axes :

Pour le SESSAD 

  • Valorisation de l’accueil de l’accueil d’un public autre que « déficience intellectuelle » (DI) qui se qualifierait comme « tout handicap » ou orienté « Trouble du Spectre Autistique (TSA) ». Augmentation de la capacité d’accueil d’ici 2028.
  • Projet de parcours inclusif pour les enfants dès le plus jeune âge (type crèche inclusive).
  • Recherche de locaux plus spacieux pour le SESSAD d’Avesnelles.

Pour l’IME Pro

  • Transformation de places « DI » en places « TSA ».
  • Création de deux appartements de semi-autonomie, situés au 5 rue des Rousseaux.

Pour l’IME de Trélon

  • Transformation de places « DI » en places « TSA ».
  • Réflexions sur « l’IME dans l’école », potentiellement intégrées aux projets « 50 000 solutions », nécessitant la rédaction d’un pré-projet.
Hors les murs, mais pas sans les murs

L’engagement d’une équipe 

Notre secteur voit, depuis quelques années, s’installer un contexte de désinstitutionalisation, favorisant l’accompagnement hors les murs. Cependant, ne négligeons pas le contenant de la structure, avec son plateau technique mobile et réactif, qui reste, rappelons-le, une réponses incontournable pour un bon nombre de situations d’enfants et d’adolescents, « Hors les murs » ne veut pas dire « sans les murs ».

Enfin, dans le cadre de ce travail de réflexion et de formalisation du CPOM, il est essentiel de préciser à quel point l’élaboration et la mise en oeuvre de telles transformations relèvent de l’engagement d’une équipe tout entière , qui aspire toutefois à la prise en compte de ses difficultés et de ses limites, par notre organisme de tutelle.

Marie-Christine Eneau
Directrice du Pôle Médico-Social Enfance

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